Les champs de tabac recouvrent les plaines légèrement vallonnées et de nombreuses granges de séchage en vieilles planches ressortent de cet horizon vert. Les pousses de tabac arrivent à maturation et la récolte a déjà commencé, donnant à notre traversée des odeurs de tabac séché. On visite l'une de ces plantations (Robaina), c'est super intéressant. On apprend que la plantation n'a pas le droit de rouler ses propres cigares et doit vendre 90% de sa production à l'état à prix fixé, ce que deviennent les 10% restants n'est pas clair. L'état produit ensuite les cigares, dans le cas des grandes marques comme Robaina les cigares sont composés exclusivement avec les feuilles du domaine, l'état les vend à prix d'or et empoche le bénéfice du haut de gamme.


La publicité est absente de l'île, communisme oblige, seule la propagande d'état s'étale sur les murs sous forme de citations accompagnées de portraits des leaders. On lit ainsi dans les rues: "Patria o Muerte" (la patrie ou la mort, devise nationale aussi présente sur les pièces de monnaie), "socialismo o muerte", "Gracias para todo Fidel", etc.

Les personnages ont été bien marketés: Fidel Castro pose comme père de la nation, visionnaire, porté par le peuple, à la fois chef de guerre et architecte d'un grand projet social. Che Guevarra occupe la place du bras droit, leader rebelle charismatique, défiant les codes avec ses cheveux longs et son cigare. Eternel jeune, aventurier et voyageur, il donne au mouvement sa fougue et son universalité sans prendre la place du bâtisseur. En grand père philosophe, José Marti incarne l'intellectuel qui a pensé la révolution en précurseur sans avoir su la mettre en œuvre, et apporte au projet sa profondeur. Sous le règne de Fidel Castro, ce trio était d'autant plus judicieux à glorifier que deux d'entre eux étant morts, il n'y avait aucun risque de les voir lorgner la place de chef du troisième.


Le plus surprenant ce sont ces slogans qui vantent la révolution comme si elle était un fait récent et que la jeunesse devait continuer la révolte, alors même que la révolution n'en est plus une depuis bien longtemps, le régime autoritaire est bien installé depuis 50ans et toute contestation est censurée ou étouffée. Bref si l'on en croit les affiches il faut faire la révolution comme il y a 50ans mais surtout ne rien changer aujourd'hui.


On quitte Cuba sur un sentiment partagé. Traverser l'île à vélo est compliqué car les besoins les plus élémentaires (manger, dormir) répondent à des règles qui nous échappent, et nous perdons notre autonomie à ne pas pouvoir planter la tente n'importe où. D'un autre côté, la découverte du peuple cubain a été d'une richesse incroyable et rien ne ressemblait à ce que nous avions vécu jusque-là.